multitude d’erreurs et de corrections successives dont il n’existe plus aucun moyen de débrouiller la filière. — Les érudits qui se livrent à l’exercice passionnant de la critique conjecturale sont exposés, dans leur ardeur, à suspecter des leçons correctes et à proposer, pour les passages désespérés, des hypothèses aventureuses. Ils ne l’ignorent pas. Ils se font, en conséquence, une loi de distinguer très clairement, dans leurs éditions, les leçons du manuscrit, ou des manuscrits, du texte restitué par eux.
c. Troisième cas. — On connaît plusieurs copies, qui diffèrent, d’un document dont l’original est perdu. Ici les érudits modernes ont sur ceux d’autrefois un avantage marqué : outre qu’ils sont mieux informés, ils procèdent plus régulièrement à la comparaison des copies. — Le but, comme dans le cas précédent, est de reconstituer, autant que possible, l’archétype.
Les érudits d’autrefois, et, comme eux, de nos jours, les novices, ont eu et ont à lutter, en pareil cas, contre un premier mouvement, qui est détestable : se servir de n’importe quelle copie, de celle qui est sous la main. — Le second mouvement n’est guère meilleur : si les différentes copies ne sont pas de la même époque, se servir de la plus ancienne. L’antiquité relative des copies n’a théoriquement, et souvent en fait, aucune importance ; car un manuscrit du xvie siècle, reproduction d’une bonne copie perdue du xie, a beaucoup plus de valeur qu’une copie fautive et remaniée du xiie ou du xiiie siècle. — Le troisième mouvement n’est pas encore le bon : compter les leçons attestées et décider à la majorité. Soient vingt exemplaires d’un texte : la leçon a est attestée dix-huit fois, la leçon b deux fois. Adopter pour ce motif la leçon a, c’est supposer gratuitement que tous les exemplaires ont la même auto-