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La tendance spontanée de l’esprit humain est d’ajouter foi aux indications de provenance, lorsqu’il y en a. Sur la couverture et dans la préface des Châtiments, Victor Hugo s’en dit l’auteur : c’est donc que Victor Hugo est l’auteur des Châtiments. Voici, dans un musée, un tableau non signé, mais dont le cadre est orné, par les soins de l’administration, d’une planchette où se lit le nom de Léonard de Vinci : ce tableau est de Léonard de Vinci. On trouve sous le nom de saint Bonaventure, dans les Extraits des poètes chrétiens de M. Clément, dans la plupart des éditions des « Œuvres » de saint Bonaventure et dans un grand nombre de manuscrits du moyen âge, un poème intitulé Philomena : le poème intitulé Philomena est de saint Bonaventure, et « on y recueille de précieuses notes sur l’âme même » de ce saint homme[1]. Vrain-Lucas apportait à M. Chasles des autographes de Vercingétorix, de Cléopâtre et de sainte Marie-Madeleine, dûment signés et paraphés[2] : voilà, pensait M. Chasles, des autographes de Vercingétorix, de Cléopâtre et de sainte Marie-Madeleine. — Nous sommes ici en présence d’une des formes les plus générales, et en même temps les plus tenaces, de la crédulité publique.

L’expérience et la réflexion ont montré la nécessité de réduire par la méthode ces mouvements instinctifs de confiance. Les autographes de Vercingétorix, de Cléopâtre et de Marie-Madeleine avaient été composés par Vrain-Lucas. Le Philomena, attribué par les scribes du moyen âge tantôt à saint Bonaventure, tantôt à Louis de Grenade, tantôt à John Hoveden, tantôt à

  1. R. de Gourmont, Le Latin mystique (Paris, 1891, in-8), p. 258.
  2. Voir ces prétendus autographes à la Bibl. nat., nouv. acq. fr., no 709.