Page:Lanne - Le Mystère de Quiberon, 1904.djvu/119

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proscrite, et qui venait d’être nommé par Ruelle, président du tribunal de Nantes[1], se hâtait maintenant de prendre rang dans l’avant-garde royaliste et se trouvait compromis pour avoir présidé un banquet où l’on avait trop bruyamment crié : Vive le Roi[2].

Dans la presse jacobine et dans les rangs de la gauche conventionnelle, cette mise en scène de Nantes excita plus d’inquiétudes et de colères que les clauses connues du traité : elle trahissait le sens et la signification réelle du compromis ; elle faisait deviner à tous les clauses secrètes.

Dira-t-on que les délégués du Comité n’avaient pas calculé la portée et l’effet de leurs négociations et des formes adoptées par eux pour les préparer et les consacrer ? Dira-t-on que dans ces négociations et dans les manifestations concomitantes et subséquentes, ils outrepassaient leurs instructions et procédaient contrairement aux intentions de leurs mandants, bravant audacieusement des responsabilités qui, à cette époque, pouvaient encore conduire à l’échafaud ?

Il faudrait dire alors que ces mandants, les mem-

  1. On voit ici que, dès ce temps-là, la magistrature républicaine se distinguait par une certaine souplesse. Voici, à propos du personnage cité, une pièce intéressante : — « Journal des hommes libres, n° 164 du quartidi 14 ventôse an III (4 mars 1795). — Note de Réal, défenseur officieux des accusés acquittés par le jugement du 26 brumaire, aux amis des principes. — Du 10 ventôse. — Philippe Tronjolly, accusateur public, avait, par ordre de Carrier, envoyé sans jugement, 50 individus à la guillotine ; il a été acquitté avec les 94 ; son accusation contre Carrier, dont il fut l’agent forcé, a été accueillie par la Convention. Se plaint-on du jugement qui l’a acquitté ? Non ; il est placé par Ruelle à la tête du même tribunal de Nantes, dont il était alors accusateur. »
  2. La Commune et la Milice de Nantes, t. 9, p. 231.