Page:Lanne - Le Mystère de Quiberon, 1904.djvu/15

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d’une expédition cependant concertée et préparée de longue date, dans une fainéante temporisation, ils attendent qu’un émissaire envoyé à Londres leur rapporte des conseils, des ordres, le parti nouveau qu’ils doivent prendre.

Voyez maintenant à dix kilomètres en arrière de Carnac, voyez le Fort Penthièvre, citadelle peu imposante aujourd’hui et qui, en 1795, malgré son assise sur un rocher dominant la baie de Quiberon à l’est, la grande mer à gauche, tout en barrant l’étroit défilé de la presqu’île, de ses canons trop lointains, ne menaçait ni les navires de transport, ni les cantonnements de Carnac. C’est vers cette forteresse inutile que se retournent les émigrés. Ils s’en emparent par un succès maladroit en tout pareil à une retraite. Que signifie de se replier ainsi et de triompher à reculons ?

On ne saurait valablement admettre la doctrine stratégique par laquelle les émigrés souhaitaient faire de la presqu’île de Quiberon un camp retranché, grand arsenal d’approvisionnements et de munitions. Si l’on considère la difficulté du transbordement maritime sur un territoire aujourd’hui encore dénué de ports assez spacieux pour la décharge des navires de guerre ; si l’on considère la difficulté plus grande encore de ravitailler une armée en traversant une contrée sablonneuse et sans chemins, à cette époque ; de quelle utilité pouvaient devenir ces magasins très distants du lieu de concentration, fort éloignés du champ d’opération, et que le moindre rideau de troupes ennemies interposé à l’étranglement