Page:Lanne - Le Mystère de Quiberon, 1904.djvu/290

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ou de prudence ; malheureusement ils furent en petit nombre.

» Deux jours après, cette première colonne fut suivie d’une seconde, composée de prisonniers chouans et de ceux des régiments à la solde anglaise, le tout formant trois mille hommes, qui partirent du fort à six heures du soir et qu’on fit arrêter à Auray. Six cents républicains préposés à leur garde, n’étaient nullement capables de leur imposer, et s’ils eussent voulu profiter de la nuit, des localités, de la disposition des habitants en leur faveur, il leur eut été facile de s’échapper, même de désarmer leurs conducteurs et de les faire prisonniers[1]. Beaucoup de chouans s’enfuirent à travers la campagne et ne furent point poursuivis ; quant aux émigrés, leur imagination fascinée par de folles espérances leur ferma les yeux sur les indices effrayants qui se multipliaient autour d’eux et les fit se précipiter tête baissée dans le gouffre qui devait irrévocablement les engloutir. »


On peut y joindre le récit d’un autre témoin républicain, Moreau de Jonnès :


« J’eus plusieurs fois l’occasion de m’entretenir avec les prisonniers, et je fus forcé de reconnaître que la plupart étaient encore, malgré leur malheureuse situation et le témoignage des événements, dans une sorte d’infatuation qui rendait leur perte inévitable. Réfugiés et entassés dans un fort sans issues, privés

  1. Un des chefs de cette escorte… a dit en 1797, au général d’Allègre : « Ce n’était pas les royalistes qui étaient nos prisonniers, c’était nous qui étions les leurs, s’ils l’eussent voulu. » (Mém. de Puisaye, t. 7, p. 557.) Ce témoignage est bien conforme à celui de Rouget de Lisle.