Page:Lanne - Le Mystère de Quiberon, 1904.djvu/39

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Encore une fois, la grande masse de l’émigration — il faut le croire pour son honneur, — ne suivait pas dans toute leur profondeur les calculs de Monsieur de Provence. Seulement, puisque la vie de l’enfant-roi paraissait fatalement perdue, cette éventualité avait fini par être envisagée comme plutôt heureuse. On s’était habitué à compter, pour le présent sombre, pour l’avenir radieux, sur les deux petites cours de Vérone et de Londres, dont on avait pu sonder l’esprit et flatter les sentiments ; c’eut été un mécompte cruel que le Roi ne fut pas celui duquel on tenait des promesses, auprès duquel tout au moins on avait su se ménager des appuis. Tout ce que l’on croyait acquis devenait incertain avec un roi mineur, dont les tendances et les préférences restaient sujettes aux hasards d’influences inconnues et incalculables. Une lettre du duc de Bourbon au prince de Condé demeure comme un témoignage tristement explicite des très peu chevaleresques sentiments que faisait naître la perspective de cette espèce de maldonne :


« Déjà l’on commence à faire courir le bruit que le petit roi Louis XVII n’est pas mort, nouvel embarras si ce bruit, vrai ou faux, prenait quelque consistance. » — (16 déc. 1799.)


D’autre part, dès le 25 avril 1793, Rostopchine, dans une lettre au comte G. R. Voronzov, appréciait ainsi les préoccupations des émigrés :


« À travers les grands mots, on voyait que la perspective d’avoir pour souverain le fils de celui