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CORNEILLE.

Voltaire a le premier reconnu que quelques scènes de Pertharite contiennent le sujet d’Andromaque. Corneille, en effet, l’avait posé en son double aspect : l’état de la mère qui doit choisir entre la vie de son fils et sa fidélité au mari pleuré ; l’état de l’amante trahie qui demande à un amoureux jusque-là rebuté la tête du rival préféré et infidèle. Corneille a vu cela, et l’ayant vu, il l’écarte : si c’est tragique, ce n’est pas sa tragédie. La mère, réduite à l’option cruelle qui déchire Andromaque, s’affranchit d’un seul effort :

Puisqu’il faut qu’il périsse, il vaut mieux tôt que tard.

(III, 3.)

Quant à l’amante délaissée, elle trouve au lieu d’Oreste un homme de tête et d’esprit, qui, pour ne pas la servir, lui analysera tout ce qui se passerait s’il la servait, et tout ce qui se passera en effet entre Or este et Hermione :

Mettre à ce prix vos feux et votre diadème
C’est ne connaître pas votre haine et vous-même ;
Et qui sur cet espoir voudrait vous obéir,
Chercherait le moyen de se faire haïr.
Grimoald inconstant n’a plus pour vous de charmes,
Mais Grimoald puni vous coûterait des larmes.
À cet objet sanglant l’effort de la pitié
Reprendrait tous les droits d’une vieille amitié,
Et son crime en son sang éteint avec sa vie,
Passerait en celui qui vous aurait servie.

(II, 1.)


Thésée, dans Œdipe, Plautine, dans Othon, d’autres encore donnent des définitions de situations sentimentales ou des notations de troubles passionnels que Racine développera.