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CORNEILLE.

si l’on étudie ses théories, ou si l’on démonte les plus fortes parties de ses chefs-d’œuvre, que ce n’en soit là le principe.

Il n’importe après cela que Félix paraisse se convertir plutôt par une contrainte de la situation que par une illumination de la grâce, ou que la lettre de Quintus Aristius dans Sertorius vienne trop à point pour n’être pas un artifice d’auteur embarrassé de son dénouement. Il n’importe que la mort de Ptolomée dans Pompée, ou celle du roi des Huns dans Attila soient des accidents imprévus et soudains qui n’étaient pas contenus dans les données.

De pareils coups du destin, ces brusques apparitions de la Providence, ou du poète, dans le cours de l’intrigue sont après tout rares dans Corneille, et contraires à sa doctrine déclarée. Mais il peut se faire que des caractères exigent pour se mouvoir un certain changement des conditions extérieures. Il faut un choc du dehors pour motiver certaines modifications internes : dans ces cas, si un fait extérieur se produit, ce n’est pas artifice, ce n’est pas miracle, c’est pression du milieu, des circonstances. Cela aussi est vrai, est réel. Ainsi Phèdre, selon la pensée de Racine, dépend des événements ; il faut, pour qu’elle déclare son amour, que Thésée soit mort ou qu’elle le croie ; il faut, pour qu’elle laisse calomnier Hippolyte, que le retour imprévu de Thésée l’affole. De même il faut pour désarmer Chimène que Rodrigue ait une occasion de manifester son héroïsme : la venue des Maures satisfait à une nécessité psychologique tout comme le bruit de la mort et le retour de Thésée.

Il arrive que le principe posé par Corneille se