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l’action et l’intrigue.

retourne contre lui : s’étant fait une loi de présenter dès le premier acte tous les personnages qui devront concourir à l’action, s’étant retiré le droit de faire agir à un moment donné quelque personnage non prévu, il se trouve contraint d’imposer à un ou deux personnages secondaires toute l’action dont le héros et les héroïnes ne sauraient se charger, et ainsi de régler leurs sentiments sur leur emploi. Ce sont des utilités, à qui le rôle à remplir impose des états de conscience. Tel est Maxime : plus honnête homme que Cinna dans la délibération du second acte, jaloux et traître au troisième acte, repentant au cinquième, il offre un caractère incohérent ; c’est qu’il n’existe que par rapport à Cinna et à Emilie ; il a fonction de dire et de faire ce qu’il faut qui soit dit et fait pour les amener à l’action qui les révèle. De tels acteurs secondaires ont donc bien des caractères subordonnés aux situations, mais à des situations que leur imposent les caractères principaux. Il y a là une convention, dans les parties accessoires de l’œuvre, qui ne change pas le caractère de l’ensemble.

Le reproche qu’on pourrait faire à Corneille, ce serait, tout au contraire de ce qu’on dit, d’avoir trop exclusivement tiré l’action des caractères : à tel point que sa tragédie a parfois quelque chose de factice, l’air d’un jeu concerté, d’une partie liée et soumise à des conventions préalables. Les personnages ne comptent pas assez avec le hasard et les circonstances, ou avec leur propre cœur. Ils sont trop sûrs d’eux ; ils parent et ripostent avec une précision déconcertante. C’est de l’escrime, ce n’est