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l’action et l’intrigue.

cutables du mélodrame. Dès que la tragédie fera prédominer l’art d’émouvoir les sensibilités sur l’art de peindre les caractères, après Racine, elle ira immédiatement aux sujets à reconnaissance : la Pénélope de l’abbé Genest, le Téléphonte de La Chapelle, tout La Grange-Chancel et tout Crébillon le montrent. On peut mesurer par l’aversion de Corneille pour les reconnaissances quelle distance sépare sa tragédie du mélodrame.

On ne saurait contester que l’intrigue dans la tragédie de Corneille ne soit plus compliquée, l’action plus drue que dans la tragédie de Racine, à laquelle on a l’habitude de demander toujours une mesure pour juger l’autre. Mais encore faut-il se demander ce que signifie cette différence, et d’où elle résulte.

Les théoriciens modernes de la tragédie y distinguaient deux catégories : l’une que l’on appelait simple, et l’autre à laquelle on réservait le nom de composée. Simple est le sujet où un seul fil d’action se déroule jusqu’au dénouement : la pièce est composée, quand elle présente, comme dit d’Aubignac, une histoire à deux fils. Le sujet simple est celui où tout se règle par le sort d’un seul personnage ; dans le sujet composé, il faut deux règlements distincts pour deux intérêts qui, tout en se liant, demeurent indépendants. Par exemple, si l’amour, comme il arrive si souvent, fournit l’intrigue, dans la tragédie simple, tout sera fini quand on saura si le héros épouse ou meurt ; dans la tragédie composée, il y aura deux mariages à décider ou empêcher.

En ce sens (qui n’est pas le sens de l’antiquité) presque toutes les tragédies de Racine sont simples :