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LANGUE, STYLE, VERS, POÉSIE.

Plus de nouvel hymen, plus de Sertorius :
Je suis au grand Pompée ; et puisqu’il m’aime encore,
Puisqu’il me rend son cœur, de nouveau je l’adore :
Plus de Sertorius ! (Mais, seigneur, répondez ;
Faites parler ce cœur qu’enfin vous me rendez.)
Plus de Sertorius ! Hélas ! quoi que je die,
Vous ne me dites point, seigneur : « Plus d’Émilie » !
Rentrez dans mon esprit, jaloux ressentiments.
Fiers enfants de l’honneur, nobles emportements :
C’est vous que je veux croire : ….
…. Venez, Sertorius.
Il me rend toute à vous pour ce muet refus.


Dans Attila, quand le féroce barbare s’est décidé à étouffer l’amour, s’étant fermé l’action, il laisse exhaler son émotion profonde, et c’est un véritable hymne à la beauté que son discours dessine :

Ô beauté qui te fais adorer en tous lieux.
Cruel poison de l’âme et doux charme des yeux, etc.

(III, i.)


Dans ces moments, Cornélie, Aristie, Attila sont des personnages d’opéra, et leurs situations en effet sont musicales, donc lyriques.

Peut-être est-ce dans Suréna qu’il faut chercher la plus claire manifestation de ce caractère. Suréna refuse d’épouser Mandane, fille du roi, même pour se sauver ; Eurydice, même pour sauver Suréna, refuse d’épouser Pacorus, fils du roi. Suréna se laisse tuer. Eurydice le laisse tuer et meurt. Il n’y a dans les deux rôles que deux amants obstinés dans leur amour, ayant renoncé au bonheur, à la vie, et s’exaltant dans le sacrifice et le péril. Leurs conversations ne tendent à aucun but pratique, mais seulement à l’expression de leur tendresse mutuelle et de leur résolution commune. Tantôt ils se répondent par des