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LE RAPPORT À LA VIE.

diplomatie si confiante en ses négociations, si habile à élever et à lever les difficultés, si experte aux combinaisons, si peu étonnée de faire échec aux alliés avec les ennemis, qui savait dans la préparation d’un traité changer peu à peu de camp, et se trouver à la signature dans le parti opposé à celui dont elle était aux préliminaires, qui excellait à concilier sans résoudre, à semer dans les conventions de paix les prétextes de guerre, et à détruire les contrats apparents par les articles secrets ? N’est-ce pas aussi l’esprit de ces cours et de ces factions, où l’on voit des intrigants comme Retz, des entremetteuses comme la Palatine, des maîtres fripons comme Mazarin, mener les affaires en partie double, et tenir à l’ordinaire deux marchandages ouverts pour s’adjuger enfin au plus offrant ?

Que la tragédie de Corneille reprend de couleur et de vie, quand on la lit l’imagination pleine de l’histoire politique du temps ! Comme elle paraît une lumineuse concentration des traits moraux épars dans les mémoires de Retz et de Saint-Simon, dans les lettres et les papiers des ministres et des ambassadeurs ! Elle est à peu près à la France de Louis XIII ce que le Rouge et le Noir ou le roman de Balzac sont à la France de Charles X ou de Louis-Philippe.

Mais entrons encore plus avant dans les âmes : on ne conteste le plus souvent la psychologie de Corneille que parce que, dans le champ illimité de l’activité morale, il a pris son point de vue d’après la réalité qui s’offrait le plus visiblement à ses yeux. L’homme dont il a donné la formule idéale, le type