Page:Lanson - Corneille, 1922.djvu/201

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
197
L’INFLUENCE DE CORNEILLE.

Corneille approuve sans réserve. J’accorderai sans peine que ce bon catholique, ami des jésuites et marguillier de sa paroisse, a en morale un idéal humain plus stoïcien qu’évangélique. Il ne s’est pas demandé si le décalogue autorisait le duel et le tyrannicide : il a admis que dans de certains cas des homicides pouvaient être des actions de vertu. Il ne s’est pas demandé si toute vertu devait être humble, et se pratiquer uniquement pour l’amour de Dieu : il a admis que le sentiment de la dignité personnelle était une vertu, et qu’une action était désintéressée quand l’intérêt qu’on y avait ne tendait qu’à ne pas déchoir devant soi-même, à se rendre plus digne de sa propre estime.

Au reste, l’objet particulier et direct de ses études n’est pas de nous apprendre de quelles qualifications les actes sont dignes ; il n’a pas prétendu faire des découvertes ni donner des leçons sur la matière de l’activité : sur le bien et le mal, sur le juste et l’injuste, sur la vertu et le vice, il a reçu la doctrine commune de son temps, un mélange de philosophie et de christianisme, avec quelques teintes de préjugés mondains. Il n’a inventé ni un péché, ni une perfection, ni une vertu, ni un vice.

Laissant aux objets de la moralité leurs qualifications reconnues, il s’est appliqué à représenter les conditions de l’activité morale : il a donné non une classification des actes fondée sur la valeur de leurs objets, mais une classification des caractères fondée sur la qualité de leur action. Il a enseigné que les inconscients et les faibles étaient incapables de vertu, que les âmes réfléchies et volontaires s’arrê-