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CORNEILLE.

taient souvent dans le mal, mais pouvaient toujours arriver au bien ; enfin que la raison qui connaît et la volonté qui exécute étaient des choses toujours estimables, admirables même dans leurs excès et leurs erreurs.

Et sans doute ce n’est pas là une morale, au sens exact et complet du mot ; mais c’est à coup sûr une leçon morale, la plus haute peut-être et la plus efficace qu’il appartienne à un poète de donner.

Car si une réflexion active et une volonté ferme ne sont pas la mesure de la vertu, du moins elles sont les instruments de la vertu. À défaut de la bonne naissance, il n’y a qu’elles qui créent la moralité. Y a-t-il des âmes assez bien nées pour produire spontanément, naïvement les actes parfaits de désintéressement et de charité ? S’il y en a, elles se passeront du secours de Corneille. Mais n’est-il pas vrai que les mieux douées risqueraient de dévier et de faillir, si à la bonne inspiration elles n’ajoutaient la réflexion, et aux bons mouvements, la volonté ? La surveillance de soi-même, l’examen de conscience, qu’est-ce que la réflexion s’exerçant pour contrôler et rectifier les impulsions de la spontanéité ? et de quoi servirait-elle, si la volonté ne se chargeait d’exécuter ce qu’elle conçoit ? Définir le bien, s’appliquer à connaître un bien véritable et permanent, choisir entre des motifs, résister à des impulsions, s’affranchir des intérêts, écarter les tentations du dedans et les pressions du dehors, aller au bien par des efforts répétés, ou s’y tenir par un effort prolongé : n’est-ce pas là la vertu ouverte à l’activité du