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CORNEILLE.

que le Tasse avait rêvé, excluant tout ce qui n’est pas la douceur ou la souffrance d’aimer. Le genre s’était tourné en comédie ou en tragi-comédie soumise à la loi du décor champêtre et de la condition pastorale. Des pères avares refusaient les bergères aux beaux amoureux et les promettaient aux riches vieillards. Des fils de roi déguisés courtisaient des bergères, et les rois résistaient à mettre l’innocence sur le trône. Les naïfs assauts du satyre italien faisaient place aux artificieuses perfidies des rivaux. Des oracles, des fléaux divins, des druides sévères troublaient les joies ou menaçaient la vie des amants. Cependant, parmi les périls et les obstacles, les amants fidèles échangeaient d’ingénieuses tendresses ; les amants rebutés se plaignaient galamment, et les filles fières sentaient peu à peu fondre les glaces de leur cœur.

La belle Silvanire passait hautaine et froide, dédaigneuse de l’amour de trois bergers, ne parlant que chasse, et chiens ardents, et cerf forcé, jusqu’à ce qu’un miroir magique la mettait en léthargie et la livrait aux entreprises d’un amant brutal : délivrée par le fidèle Aglante, l’arrêt d’un juste druide la jetait, enfin attendrie et aimante, aux bras de son sauveur. Mairet avait emprunté à d’Urfé ce beau thème.

Dans la comédie, Corneille avait trouvé un goût original ; les autres y employaient tous les ressorts et les couleurs de la tragi-comédie : quiproquos et enlèvements, travestissements et magie ; un peu moins de pathétique, un peu plus de licence marquaient le ton de la comédie. Quelques-uns étaient