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LE THEÂTRE AVANT CORNEILLE.

en quête d’une comédie réaliste et grotesque, forme littéraire de la farce, enluminure hardie et crue de figures bourgeoises et de mœurs populaires : ici, parmi des amants à la mode, apparaissait un vigneron de Suresnes ; là, c’était une vieille bourgeoise courtisée par un colporteur de livres nouveaux, par un vieux soldat de Coutras et de Fontaine-Française, et par un agent d’affaires. On voyait une joyeuse compagnie s’embarquer sur la Seine pour aller faire pique-nique à Chaillot, et de petites bourgeoises conquérir des maris gentilshommes avec des habits loués à la friperie, chez les Juifs.

Plus rare encore que la comédie, la tragédie reparaissait peu à peu : les amours lamentables de Pyrame et Thisbé avaient tiré des larmes. Les âmes ingénues avaient été touchées de pitié et d’effroi, quand les amants, que séparait l’hostilité des parents, s’entretenaient à travers la fente pitoyable du mur, quand le bon gentilhomme Pyrame, de sa vaillante épée, mettait en fuite les assassins du roi, pendant que la loyale demoiselle Thisbé chassait le messager d’amour du roi ; quand enfin, près du ruisseau, sous le mûrier, Thisbé fuyait devant le lion horrible, et, revenant, trouvait son Pyrame mort de l’avoir crue morte, percé de l’infâme poignard dont la rougeur a seule immortalisé la pièce.

Puis Mairet, quelque dix ans après, vers 1634, avait dit l’histoire de Sophonisbe ; et Rotrou avait montré la mort d’Hercule ; et Corneille s’était essayé dans Médée : l’amour forcené, la jalousie frénétique prenaient possession de la tragédie. Ces passions sans mesure avaient fait la fortune de la Mariamne,