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LE THEÂTRE AVANT CORNEILLE.

expliquer ici comment les unités s’établirent : il me suffira de rappeler en quelques mots la succession des faits principaux.

Les poètes du xvie siècle et Hardy avaient naturellement ordonné leurs œuvres par rapport à la mise en scène qu’ils trouvaient établie. C’était la décoration des anciens mystères réduite et resserrée selon l’exiguïté des salles : tous les lieux où l’action devait se transporter successivement étaient figurés simultanément et juxtaposés sur la scène. La tragédie et la tragi-comédie s’étaient comme mis dans les meubles du théâtre du moyen âge, lorsque les Confrères de la Passion, renonçant à jouer, avaient loué leur salle aux comédiens. Ainsi, le spectateur de l’Hôtel de Bourgogne, lorsque se levait le rideau pour la Félismène de Hardy, voyait au fond du théâtre trois logis alignés, sur l’un des côtés une grotte avec un rocher, sur l’autre une belle chambre, qui était celle de l’héroïne : Tolède, la cour de l’empereur, une campagne déserte, étaient là tout à la fois sous les yeux du public. Lorsque Corneille débuta, il ne connaissait point d’autre art. Ce fut en 1629 que, sur le conseil de deux seigneurs délicats, le comte de Cramail et le cardinal de La Valette, Mairet résolut d’observer les règles usitées par les Italiens, et qui étaient celles, disait-on, des anciens : appliquées dans la Silvanire, expliquées bientôt dans la Préface que l’auteur mit à sa pièce en l’imprimant, défendues par M. Chapelain et par l’abbé d’Aubignac, agréées par M. le Cardinal, tantôt alléguées pompeusement et tantôt lestement écartées par les auteurs, selon qu’ils voulaient passer