Page:Lanson - Corneille, 1922.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
38
CORNEILLE.

pour savants ou qu’ils craignaient de perdre un beau sujet, les règles peu à peu se soumettaient les indociles ; le public s’y apprivoisait et, vers 1636, on ne pouvait plus les violer qu’avec respect. La règle des vingt-quatre heures, celle qui se trouvait à peu près dans Aristote, qui d’ailleurs n’obligeait qu’à des précautions verbales et à un arrangement idéal, triompha d’abord : celle de l’unité de lieu, dont Aristote n’avait pas parlé, et qui surtout obligeait de changer la mise en scène et la facture des poèmes, la seule réellement et sensiblement gênante, fut plus lente à s’établir. On prit des moyens termes : et, comme on entassait un peu confusément dans les vingt-quatre heures tout ce qu’on pouvait faire arriver d’événements et d’aventures, on accumula sur le théâtre toutes les variétés de localités, palais, rues, maisons, ou bien rivière, forêt, château, sous prétexte de contiguïté réelle. On mesura strictement le plancher de la scène pour estimer tout ce qui pouvait y tenir. On essaya de définir l’unité du lieu d’après l’unité du temps, par l’espace qui peut se parcourir dans les vingt-quatre heures. On tâcha de prendre pour unité dans l’espace, une ville, un quartier, un canton. On essaya de brouiller l’imagination du spectateur en changeant le lieu sans le lui dire : et c’est ainsi au premier acte du Cid. Mais les partisans d’une observance exacte gagnaient du terrain, et la règle allait toujours se resserrant. Ni les fermetures ni les rideaux qui ne découvraient que pendant le temps nécessaire les lieux accessoires de l’action, ne purent passer dans l’usage journalier. Les comédiens étaient trop pauvres, et l’art du