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CORNEILLE.

Dans l’Écossaise de Montchrestien, Marie Stuart, dès le second acte, est condamnée : aux actes III et IV elle se prépare à mourir, et l’on entend comment elle meurt à l’acte V. Dans la Mort d’Alexandre de Hardy, pendant deux actes, les présages sinistres s’accumulent : au troisième acte Alexandre est empoisonné ; pendant les deux derniers actes, il meurt.

Il y a là un type de tragédie pathétique, très peu psychologique et très poétique, capable de recevoir tous les effets et les formes du lyrisme, qu’il ne faut pas juger par les règles et les lois de la tragédie classique. Ce type ne trouva pas de poète assez puissant pour le faire vivre ; au reste, il était trop lié à la faculté lyrique pour ne point en suivre l’évolution ; d’où son affaiblissement graduel et presque sa disparition au début du xviie siècle. Il n’eut même pas le temps de s’organiser complètement et de fixer les conventions qui lui étaient nécessaires. Il se déforma grossièrement dès qu’il sortit des cercles lettrés et que comédiens ou écoliers le présentèrent au public des mystères et des moralités.

La tragi-comédie s’y substitua, grâce surtout à Hardy. Ce n’était dans l’origine, chez les Italiens, qu’une tragédie à dénouement heureux. Mais le dénouement heureux eut des conséquences qui éloignèrent tout à fait la tragi-comédie du type tragique. Pour avoir un dénouement heureux, il fallut une péripétie, un revirement. Le passage du malheur au bonheur exigea une préparation, qui se trouva tantôt dans une combinaison d’incidents, tantôt dans un jeu de caractères : en un mot, la tragédie à dénouement heureux s’appropria, sans pouvoir y résister, l’intrigue de la