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LES ÉCRITS THÉORIQUES DE CORNEILLE.

dans le poème dramatique : mais des quatre moyens d’obtenir un effet moral, que le théâtre peut essayer, le premier est l’emploi des sentences, et il faut en être très ménager ; le second est le dénouement qui punit le crime et récompense la vertu, et il ne faut pas s’y astreindre ; le quatrième est la purgation des passions, et c’est quelque chose qui ne se comprend pas très bien. Reste le troisième moyen, qui est « la naïve peinture » des mœurs, c’est-à-dire la vérité, où consiste le plaisir : si bien que lorsqu’on plaît par le vrai, on peut être assuré de tenir toute la moralité permise à l’œuvre d’art.

La vérité étant le but, la vraisemblance sera la loi : toutes les règles se réduisent à rendre les pièces aussi vraisemblables que possible.

Et voilà pourquoi Corneille acceptera les unités, du moment qu’il sera bien convaincu que le public y tient. Pour lui, il n’y tenait pas autrement, parce que, dès le premier jour, par son bon sens ignorant et créateur, il avait découvert pour son usage le fondement substantiel de ces règles : la loi de la concentration de l’action dramatique. Ayant trouvé cela, il n’avait pas besoin des règles. On les impose : il les accepte ; elles ne le gêneront pas. Il les prend, ainsi que tout le monde en son temps, comme la condition d’une exacte vraisemblance. Si l’on veut réduire au minimum les conventions inévitables, et ne point dissiper l’illusion qui est l’effet et le signe de la vérité de l’imitation, il faut, une fois que le spectateur a accepté le plancher de la scène comme étant un certain lieu du monde, ne point le déranger dans cette croyance complaisante : que le lieu donc,