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CORNEILLE.

traits historiques qu’il conservait : il a laissé deux femmes à Pompée, deux maris à Sophonisbe ; il a fait mourir Attila d’un saignement de nez ; il a envoyé Théodore à son étrange supplice, et autorisé Pulchérie à faire sa profession de virginité dans le mariage. Quand on compare ces pièces de Corneille à celles où Quinault escamote si délicatement les données scabreuses ou révoltantes des sujets antiques, on conçoit que le public du xviie siècle ait concédé à Corneille la fidèle observation de l’histoire.

Il se rencontre aussi chez lui des couplets, des narrations, des scènes, où son vigoureux génie interprète admirablement quelque donnée historique, un fait illustre, une situation caractéristique. On citerait la narration du combat des Horaces et des Curiaces, le tableau oratoire des proscriptions dans Cinna, le dessin de l’attitude et de la mort de Pompée, de César humiliant le roi Ptolomée, le discours de Galba sur la nécessité de l’empire dans Othon ; et surtout, dans Polyeucte, cette si juste intelligence de l’état des chrétiens dans l’empire ; dans Nicomède, cette saisissante explication de la politique romaine, non par les discours seulement, mais par toutes les démarches de Flaminius. Toutes les fois que Corneille rencontre un beau texte de Tite-Live, ou de Lucain, ou de Tacite, toutes les fois qu’il importe à son dessein de marquer une vérité historique, il est incomparable.

Mais aussi il n’en fait jamais sa principale affaire. Sa théorie ne le lui commandait pas, et ne l’astreignait à utiliser l’histoire que pour faire croire, comme on dit, que c’était arrivé. La précision historique