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l’histoire et la politique.

est un moyen de donner de la vraisemblance au drame, rien de plus : aussi n’est-il pas, à son avis, obligé au delà de son besoin. Ne traitant pas la vérité historique comme fin, il s’en passe délibérément, quand elle le gêne.

Pour les faits, il les altère sans scrupule. C’est visible et secondaire. Pulchérie a gouverné l’empire trente-six ans : il réduit ce temps à quinze ans pour lui donner deux amoureux sans ridicule. Il fait vivre Sylla six ans de plus qu’il n’a vécu, pour sauver la dignité de son Pompée. Dans Héraclius, il fait régner Phocas vingt ans au lieu de huit, prolonge de dix ans la vie de l’impératrice, veuve de Maurice, suppose Héraclius fils de ce Maurice, en abusant d’une similitude de nom : un historien lui dit que la nourrice du jeune fils de Maurice a eu la pensée de livrer son fils au tyran au lieu de l’enfant impérial, sur quoi il suppose que cette pensée a eu son effet. Enfin, il attribue un fils à Phocas, et suppose que, par une nouvelle substitution, le fils du tyran a été élevé sous le nom du fils de la nourrice, et que le prince Héraclius, déjà déguisé sous le nom de Léonce, a pris la place et le rang du fils de Phocas. Si bien que dans cet extraordinaire imbroglio, il n’y aura plus d’historiques que trois noms : Héraclius, Maurice, Phocas. Parti de la loi du sujet historique, Corneille arrive, en appliquant sa théorie de l’usage de l’histoire, à la constitution d’une action entièrement romanesque.

Sa justification, à ses yeux, était que le public ne s’apercevrait de rien. Quant aux critiques, il suffira qu’on puisse, pour tel trait les renvoyer à Baronius, pour tel autre à Joannes Gerundensiz, à Siméon