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l’histoire et la politique.

assassin de son père ; il loge dans ce personnage une âme héroïque, pure, incapable de défaillance. Il sait bien que nous ne nous apercevrons pas de la substitution. Il n’y aura personne dans la salle pour réclamer ce que l’histoire promettait, un petit despote d’Orient, souple et ambitieux, raffiné et féroce, une réduction enfin de Mithridate.

Ni les faits donc, ni les caractères ne contraignent l’invention du poète. Mais du moins il observera dans chaque sujet la couleur, cette indéfinissable singularité qui résulte du climat, des mœurs, des traditions, des circonstances ? Encore moins. Tout le procès d’Horace, conduit au roi, renvoyé par le roi, condamné par des duumvirs élus, appelant des duumvirs au peuple, toute cette procédure si caractéristique est remplacée par un banal et froid jugement du roi Tulle : c’est que les unités exigeaient qu’on finît vite. Et le procès n’était pour Corneille qu’un dénouement, non une action de soi intéressante. Il fait de son Auguste l’empereur, une figure idéale de souverain absolu ; il aurait su lire Suétone, pourtant, aussi bien que Fénelon, s’il l’avait voulu ; mais il n’a senti nul besoin de nous divertir par l’hypocrite modestie de la vie extérieure du princeps romain. Il aurait bien su découvrir que Cornélie était une contemporaine de Catulle et de Claudia, une dame mondaine, lettrée, musicienne, une Romaine frottée d’alexandrinisme : mais il lui fallait une héroïne républicaine ; il a rappelé le type austère de la matrone du temps d’Annibal : tant pis pour la couleur et le pittoresque historique.

Si l’on veut aller au fond des choses, il ne