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l’histoire et la politique.

faire autrement. Rotrou, Scudéry, Du Ryer, au-dessous d’eux Guérin du Bouscal, La Calprenède, plus tard Thomas Corneille, ont fait moins bien, non autrement. Si, en effet, les sujets sont historiques, mettent aux prises les grands et les princes, dépeignent les catastrophes des États, comment les traiter avec vérité sans les réduire à la politique ? D’autres intérêts, d’autres passions peuvent intervenir : mais la forme naturelle du sujet est constituée par les intérêts et par les passions politiques. Corneille s’y complaira d’autant plus que cette politique convient à sa psychologie : si quelque part dans le monde il y a une sphère où la spontanéité fait place au calcul, où les actes résultent d’un choix volontaire et non d’une impulsion aveugle, où les passions même ardentes s’examinent et se dominent, où la claire notion des intérêts et des raisons fait les esprits de qualité supérieure, où enfin les hommes de réflexion et de volonté peuvent se déployer et priment, c’est bien dans la sphère de la politique. Corneille trouvait là le cadre fait pour mettre en valeur ses figures, la catégorie d’activité convenable à la qualité des âmes qu’il créait.

Aussi a-t-il traité la politique, dans ses tragédies, avec un éclat et une précision extraordinaires, sans amplification ni rhétorique, avec une fécondité et un sérieux d’invention qui font penser aux discussions d’affaires et aux combinaisons commerciales des romans de Balzac.

Parfois il traite de grandes thèses dans une large scène : il dispute, dans Cinna, sur la république et la monarchie, sur la politique de rigueur et la poli-