Page:Lanson - Corneille, 1922.djvu/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
88
CORNEILLE.

tique de clémence ; dans Sertorius, sur la conduite à tenir pour les grands dans les guerres civiles ; dans Pompée, sur la raison d’État, et le droit ou le devoir qu’on a de rejeter pour elle la morale ou l’affection. Dans ces controverses, chaque personnage dit ce qu’il doit dire, selon son caractère et sa situation, mais il le dit avec une netteté de maximes, une abondance d’exemples, une force de conception et de raisonnement qui transportèrent les contemporains, et dont on ne peut encore aujourd’hui s’empêcher d’être étonné.

Ces thèses ne sont pas des morceaux d’ornement, de majestueux hors-d’œuvre : elles viennent du fond même du sujet et en manifestent l’essence. Elles sont de l’action, et servent à conduire les volontés vers le dénouement déterminé par le poète.

Là même où le débat théorique ne s’élargit pas avec autant d’ampleur, la tragédie cornélienne, par les caractères, par les mœurs, par les intrigues, nous représente presque toujours ce qu’on appellerait actuellement un milieu politique. Le centre de l’action de la tragédie sainte de Polyeucte est dans le cabinet d’un préfet. Félix est l’excellent administrateur qui sert tous les pouvoirs, et ne médite que son avancement : point du tout scélérat, pas même mauvais homme, doux et facile dans la mesure où sa position n’est pas compromise, féroce avec inconscience, dès qu’il s’agit pour lui d’être révoqué ou de faire remarquer son zèle ; âme timorée, intelligence déliée, rétrécie par l’égoïste esprit de la carrière.

Nicomède est un tableau de la politique romaine,