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l’histoire et la politique.

où il y a plus d’action encore que de maximes. La politique fournit le progrès de l’intrigue, puisque le caractère d’Attale qui, d’ennemi, deviendra sauveur de Nicomède, évolue, sous la pression de Flaminius, par la connaissance qu’il prend peu à peu de l’égoïsme artificieux de ces Romains en qui il avait foi. Nous voyons là comment Rome soutient le faible pour l’opposer au fort, et l’abandonne dès que par elle il est près d’être fort, le contient s’il veut être fort ou seulement être sans elle : diviser pour régner, c’est toute l’opération de Flaminius dans la pièce.

Othon, c’est de la politique intérieure : le tableau de la cour impériale, quand l’empereur doit se choisir un successeur. Avec quelle finesse Corneille a dessiné ces intrigues et les personnages qui y prennent part : l’honnête Galba, bien intentionné et faible ; les ministres qui se partagent ou se coalisent, font et défont des combinaisons où chacun suit son intérêt sous le prétexte du bonheur de l’État ; ce Vinius surtout, passé maître dans la politique de couloirs, comme nous dirions, qui trouve moyen d’être à la fois dans le jeu d’Othon et dans le jeu de Pison, qui jette et reprend sa fille comme une forte carte avec laquelle il peut gagner, insoucieux de lui briser le cœur, et ne doutant point d’être un bon père, s’il en fait la fille d’un premier ministre ; cet Othon enfin, ce candidat à l’empire d’un si beau sang-froid, qu’une combinaison marie, que la combinaison suivante démarie, et qui dans tout cela suit sa fortune sans se croire le droit d’y préférer son cœur. La grande comédie politique est là, sous le nom de tragédie.