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CHAPITRE VI

L’HISTOIRE


Le romantisme suscite un grand mouvement d’études historiques. — 1. L’histoire philosophique. Guizot : il soumet son érudition à sa foi politique. Tocqueville : catholique et légitimiste, il étudie avec impartialité la démocratie et la Révolution. — 2. Passage de l’histoire philosophique à l’expression de la vie : Thierry. Ses vues systématiques. Étude des documents ; récolte des petits faits, pittoresques et représentatifs. — 3. La résurrection intégrale du passé : Michelet. Son idée de l’histoire : le moyen âge retrouvé dans les archives. Michelet prophète de la démocratie, ennemi des rois et des prêtres : influence de ses passions sur son histoire. Œuvres descriptives et morales de Michelet.

L’histoire et la poésie lyrique, voilà les deux lacunes apparentes de notre littérature classique. En trois siècles, de la Renaissance au romantisme, le genre historique est représenté par le Discours sur l’Histoire universelle de Bossuet, qui est une œuvre de théologie, par l’Histoire des Variations, du même, qui est une œuvre de controverse, par l’Esprit des Lois, de Montesquieu, qui est un essai de philosophie politique et juridique : restent l’Essai sur les mœurs et le Siècle de Louis XIV de Voltaire, qui sont vraiment de l’histoire, malgré la thèse antireligieuse de l’auteur. Cinq ouvrages, dont trois relèvent d’autres genres, c’est peu pour trois siècles de production intense.

Voltaire, en faisant l’histoire de la civilisation, avait donné une esquisse de l’histoire de France : en dehors de ses ouvrages, les Français ne pouvaient rien lire de passable sur l’histoire de leur nation. Fénelon, dès le début du xviiie siècle, s’en plaignait. On sentit vivement ce manque au commencement de notre siècle ; « Existe-t-il, demandait A. Thierry en 1827, une histoire de France qui reproduise avec fidélité les idées, les sentiments, les mœurs