Aller au contenu

Page:Lanson - Histoire de la littérature française, 1920.djvu/200

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
178
decomposition du moyen âge.


4. PHILIPPE DE COMMYNES.


.

Monseigneur Philippe de Commynes [1], chambellan et conseiller d’un duc de Bourgogne et de trois rois de France, prince de Talmont, baron d’Argenton, riche, grave et sage homme, nous transporte bien loin de François Villon, fol écolier, larron et meurtrier : ils sont aux deux bouts de la société, l’un en bas, l’autre en haut. Mais l’étrange chose, et faite pour plonger nos consciences d’honnêtes gens, respectueuses des catégories sociales, dans des abîmes de scrupule, l’étrange chose qu’on puisse se demander laquelle en somme valut le mieux de ces deux âmes, et si ce n’est pas dans les profondeurs troubles de celle du ribaud qu’on aurait chance de rencontrer le plus de noblesse morale !

Commynes, né serviteur et devenu favori du duc Charles, reçoit une pension de Louis XI : la position lui plaît ; il continuerait volontiers ce service en partie double, avec doubles honoraires, si le roi de France, qui a besoin d’un tel esprit, ne lui mettait le marché à la main. Il se décide donc, s’affranchit délibérément de la foi féodale et le voilà Français. Louis XI lui rend bien plus qu’il n’a perdu ; grandes pensions, grands domaines, grand mariage,

  1. Biographie : Né vers 1447, fils d’un grand bailli de Flandre, attaché à Charles le Téméraire de 1464 à 1472, conseiller et chambellan (1468), Commynes est chargé de missions à Calais en 1470, à Londres en 1471. Dès 1471, il est pensionné par Louis XI, à qui il passe en 1472. Il devient conseiller et chambellan du roi, avec une pension de 6000 livres ; il reçoit la principauté de Talmont (1472), acquiert la baronnie d’Argenton par son mariage avec Hélène de Chambes (1473), reçoit une part des dépouilles de Nemours. Louis XI l’envoie en 1478 à Florence. Il suit le parti du duc d’Orléans contre la régente Anne de Beaujeu, est emprisonné, exilé, puis rentré à la cour (1490) et au conseil. Il négocie le traité de Senlis (1493), et pendant l’expédition d’Italie est envoyé à Venise. Il négocie le traité de Verceil avec Ludovic le More. Il s’éloigne de la cour en 1498, est rappelé par Louis XII en 1505, et suit le roi en Italie. Il se retire chez lui en 1510 et meurt en 1511. Sa veuve fut dépossédée d’Argenton en 1515. Les procès très embrouillés auxquels Argenton donna lieu étaient antérieurs au mariage de Commynes : il y en avait qui remontaient jusqu’au règne de Charles V, et celui de la propriété de la seigneurie ne fut tout à fait terminé qu’en 1560. Trois affaires principales se distinguent : l’une contre le suzerain, l’autre contre des voisins, la troisième et principale, pour la possession de l’héritage d’Antoine d’Argenton entre les Chambes-Commynes et les Chabot-Châtillon. Ajoutez le procès contre les La Trémouille pour la principauté de Talmont.

    Éditions : Chronique de Louis XI (l. I – IV). Galiot du Pré, in-4, 1524 ; avec la Chronique de Charles VIII (t. VII et VIII), Enguilbert de Marnef, 1528 ; Godefroy, in-fol., 1642, Mlle Dupont, 3 vol., 1840 ; Chantelauze, in-8, 1881.

    À consulter : Kervyn de Lettenhove, Lettres et négociations de Philippe de Commynes, 3 vol. in-8, Bruxelles, 1867-74 ; Fierville, Documents inédits sur Philippe de Commynes, in-8, Paris, 1881 ; Faguet, xvie siècle.