Aller au contenu

Page:Lanson - Histoire de la littérature française, 1920.djvu/489

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
467
pascal.

somptions, des preuves indirectes ou partielles ; la quatrième, une preuves directes, intrinsèques, rigoureuses, intégrale[1].

Cette quatrième partie est singulièrement faible aujourd’hui : mais il y a singulièrement de hardiesse et de pénétration dans la seule position de la question. Pascal a cherché la solution du problème de la révélation dans une critique historique et philologique des Écritures. Il prenait cette voie périlleuse pour ne manquer ni à ses principes ni à ses promesses. Il s’était engagé à démontrer la religion, et il avait établi l’impuissance métaphysique de la raison. Il fallait donc essayer de saisir Dieu dans les apparences dont la raison est juge. La raison, Pascal l’a dit dans sa 18e Provinciale, a seule droit de décider sur les faits. Si donc on traite la religion comme un fait, les miracles, les évangiles comme des faits, la raison, critiquant ces réalités sensibles, pourra y faire apparaître avec évidence un élément surnaturel et surhumain : l’action divine, insaisissable en elle-même, sera atteinte dans ses manifestations historiques.

Pascal a conduit cette originale tentative avec une rare témérité, une entière ignorance de l’histoire et de la philologie, et une volonté décidée de faire sortir des textes la vérité qui lui plaisait : il ne pouvait se douter que de la méthode qu’il indiquait, appliquée avec la rigueur impartiale de la science, devait sortir la condamnation de sa croyance. Il ne s’était pas aperçu, ce fort logicien, que le principe de la science, la croyance au déterminisme absolu des phénomènes, excluant Dieu de l’univers connaissable, implique la négation de la Révélation dans l’ordre de la science, que la méthode par conséquent contient la conclusion, et que le seul moyen de sauver la foi est de la mettre hors de la raison, sans contact immédiat et sans liaison directe avec elle.

Pour les 1re et 2e parties, l’originalité des raisonnements de Pascal est dans l’application des méthodes scientifiques au problème théologique : le physicien et le géomètre se retrouvent dans ces étonnantes démonstrations où la religion est tantôt offerte par hypothèse, comme le système astronomique de Copernic, opposé à celui de Ptolémée, se vérifie par la concordance de ses conséquences logiques avec les faits observés, et tantôt jouée comme à la roulette, sur un calcul de probabilités. Quelle force pouvaient donner à la religion ces démonstrations étranges ? Je ne sais trop, mais assurément Pascal a touché plus juste, quand il a saisi ensuite le fondement naturel et psychologique de la foi, ce désir du bonheur que l’homme ne peut retrancher de son cœur et qui, sans cesse déçu par la réalité, se recule toujours plus loin, jusqu’à ce qu’il ne

  1. Ou plutôt, les trois premières parties sont la démonstration rationnelle du christianisme ; la dernière est la constatation du fait de sa divinité.