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INTRODUCTION.

par les mots te-tao-jin 得道人, c’est-à-dire l’homme qui a acquis l’intelligence. Cette explication est citée comme appartenant à l’ouvrage bouddhique Ta-tchi-tou-lun[1]. Mais comme Klaproth ignorait la nature de cet ouvrage et l’acception bouddhique de tao (intelligence), que je dois au dictionnaire San-tsang-fa-sou, et que personne n’avait donnée jusqu’ici, il a pris ce mot dans le sens de raison, par lequel on est convenu de désigner la doctrine de Lao-tseu (on dit la doctrine de la raison), et que je discuterai tout à l’heure. Ainsi disparaît ce fait, si curieux et en même temps si étrange, de l’existence des Tao-sse dans l’Inde au commencement du ve siècle après notre ère. Plusieurs autres faits aussi graves et non moins erronés se sont glissés dans les mémoires de quelques sinologues célèbres. Ils disparaîtront à leur tour, dès qu’on aura pris le soin de les éclaircir par la traduction fidèle des textes chinois où l’on avait cru les apercevoir.

Il est temps d’arriver au sens particulier de Tao , dans le livre dont nous nous occupons. « Les Tao-sse s’en servent, dit M. Rémusat[2], pour désigner la raison primordiale, l’intelligence qui a formé le monde, et qui le régit comme l’esprit régit le corps. C’est en ce sens qu’ils se disent sectateurs de la raison. Ce mot me semble ne pas pouvoir être bien traduit si ce n’est par le mot λόγος, dans le triple sens de souverain être, de raison et de parole. C’est évidemment le λόγος de Platon, qui a disposé l’univers, la raison universelle de Zénon, de Cléanthe et des autres stoïciens ; c’est cet être qu’Amélius disait être désigné sous le

    A, fol. 49 recto.) Cet ouvrage, que je possède, en cent quatre-vingt-huit volumes, y compris vingt volumes de supplément, est un vaste répertoire de mots polysyllabiques appartenant à tous les styles et rangés par ordre tonique.

  1. Cet ouvrage est souvent cité dans le dictionnaire bouddhique San-tsang-fa-sou (Voy. Fo-koue-ki, pag. 12, not. b, 33, not. i.)
  2. Rémusat, Mémoire sur Lao-tseu. pag. 19 et 24.