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Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/225

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LONDRES. 209

Hier malin, en sortant de Saint-Paul Knightsbridgc où j’étais allée voir prier les Britishers, afin de sentir leur âme de plus près, j’ai suivi la foule qui se rendait à ce que l’on appelle « the church parade ». Si nous avons le goût des décorations, nos voisins ont le goût des parades. Chaque dimanche après l’église, des gens de toutes les conditions, de tous les quartiers, des environs de Londres même, semblent poussés, dirigés inéluctablement vers un certain point, vers Hyde Park. Ceux-ci viennent pour se montrer, ceux-là pour regarder. Qui a le plus de plaisir, les acteurs ou les spectateurs ? Je me le demande. En tout cas, les uns et les autres y trouvent sans doute des satisfactions spéciales. Les femmes sont en toilettes du dimanche, les hommes en redingote. Pas de ^"oitures. On se promène à pied, de long en long, d’un mouvement lent, particulier, où il y a comme une solennité rituelle. Cela dure une heure, puis la foule se désagrège peu à peu, se disperse, s’évanouit. Huit jours plus tard, elle sera ramenée au même endroit et répétera le même geste. Cette étrange performance dominicale, une très ancienne institution, m’avait toujours paru grotesque. Hier, elle m’a tout à coup causé une sorte de saisissement. L’idée m’est venue que j’assistais peut-être à une très intéressante opération de la nature, à un de ces amalgames dont elle tire des éléments nouveaux et nécessaires. Sous cette suggestion, je me suis mise à observer avec autant d’intensité que possible le spectacle que j’avais sous les yeux. C’était un mélange fantastique de grande aristocratie, de haute bourgeoisie, de bourgeoisie moyenne et petite, de peuple,

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