Page:Laperche - Noblesse americaine.djvu/12

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tua la « société. » Cette caste demeura longtemps inaccessible aux parvenus. Il y a une trentaine d’années, la plutocratie qui avait trois degrés de descendance, des richesses énormes en força l’entrée. Elle se groupa autour des « Patriarches » se valut de leur prestige ; les enveloppa, les déborda, si bien qu’aujourd’hui, ils ne sont plus que le noyau de la « société », un noyau déjà noyé comme le disait un Américain.

De fait, les familles qui descendent des vrais fondateurs des États-Unis, qui ont des arbres généalogiques, des blasons, des preuves de longue existence, ont cédé le pas aux milliardaires. Le puritanisme étroit, l’esprit conservateur, communs aux vieilles roches, leur ont créé une infériorité dans la lutte pour le pouvoir et l’argent ; elles subissent l’effacement qui semble être le sort de l’aristocratie en général.

Ce qu’on appelle en Amérique « la Société » n’est pas une classe oisive. Elle est, comme la haute bourgeoisie française, composée d’avocats, de médecins, de financiers, de grands industriels. Elle n’en forme pas moins une sorte de faubourg Saint-Germain plus fermé, plus exclusif que ne le sont aujourd’hui ceux de l’Europe.

Être ou ne pas être de la « Société » intéresse davantage l’Américain que l’être ou le non être qui préoccupait Hamlet, car il est l’homme le plus matérialiste du monde. Il ne cherche pas à faire bien, mais à « faire vite. » Il travaille, bâtit, édifie, pour lui-même, non pour ses enfants. Aussitôt qu’il a gagné la lutte pour l’argent, il se jette dans la lutte pour la position.