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Page:Laperche - Noblesse americaine.djvu/471

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monceau de fleurs, fraîchement coupées, qui marquait la place où reposait Christiane.

La tombe d’une personne qui vous a appartenu, que l’on a aimée, affecte l’âme d’une manière différente que la tombe d’un parent. Il s’en dégage quelque chose de mystérieux. Dans les premiers temps surtout, on sent très nettement que le lien n’est pas tout à fait rompu, que l’amour est vraiment plus tort que la mort.

À peine les genoux de Jacques eurent-ils touché la terre, qui recouvrait la duchesse, qu’il éprouva un étrange bonheur. Non, elle n’avait pas complètement disparu. Cette idée de disparition, qui lui avait causé de si cruelles angoisses, s’effaça instantanément.

Il lui sembla qu’il la retrouvait et un peu de joie traversa son chagrin. Il lui dit des paroles tendres, lui promit de faire du bien, beaucoup de bien, comme elle l’avait désiré, et de garder son souvenir jusqu’à la fin. Sa visite fut longue. Il ne pouvait se décider à la quitter. Deux fois il revint sur ses pas, comme si elle l’eût retenu. Avant de partir, il promena les yeux autour de lui… C’était bien là la sépulture qu’elle avait rêvée. Les arbres qui boisaient la colline s’arrêtaient à une cinquantaine de mètres, et entouraient sa tombe et la vieille chapelle, comme un lieu sacré. Et se rappelant ses dernières volontés, il fut profondément attendri. Elle avait voulu dormir seule son dernier sommeil. Il devinait pourquoi… Elle avait été fidèle jusqu’au delà.

Cette visite à la tombe de Christiane avait dissipé les idées morbides de Jacques et laissé dans son âme une de ces douleurs saines, qui trempent le caractère d’un homme.