Aller au contenu

Page:Lapicque - Les Nègres d’Asie et la race nègre en général, paru dans les Bulletins et Mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris, 1906.djvu/11

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

On sait qu’un peuple parti du Penjab, c’est-à-dire de l’angle Nord-Ouest, s’est irradié en conquérant vers l’Est et le Sud-Est, à travers toute la région. Ce peuple, ce sont les Argos. définis par leur langue apparentée aux langues européennes actuelles, définis aussi par une religion et des coutumes particulières. Physiquement ce peuple était blanc, caucasique, si l’on veut bien revenir à l’ancien mot qui avait l’avantage de comprendre un ensemble de traits. Les Aryas rencontraient devant eux un autre peuple, qu’on désigne aujourd’hui du nom de Dravidiens. Ce terme s’applique à une notion essentiellement philologique ; il désigne une famille de langues profondément différentes des langues aryennes. On retrouve les langues dravidiennes parlées aujourd’hui encore par plusieurs dizaines de millions d’hommes dans l’Inde, localisés de deux façons : d’abord un groupe compact occupant tout le sud de la péninsule, c’est-à-dire le coin le plus éloigné du point de départ des Aryas[1] ; ensuite, un peu plus au nord, et dans l’est, un certain nombre d’îlots qui correspondent aux régions accidentées les moins facilement accessibles à une invasion. Cette distribution est typique ; nous connaissons la marche des Aryas par leurs histoires légendaires qui ont été beaucoup étudiées en Europe, mais nous pourrions la reconstituer rien que par carte linguistique.

Au physique, partout où on les trouve, les hommes qui parlent des langues dravidiennes présentent une couleur de peau plus foncée que les Aryens. Dans l’ensemble de l’Inde, la pigmentation va en augmentant dans le sens de la migration aryenne, c’est-à-dire que les Indous du Sud et de l’Est sont plus foncés que ceux du Nord-Ouest ; et là où se rencontrent des îlots dravidiens en pays aryens, les tribus ou castes dravidiennes sont plus noires que leurs voisins d’alentour.

On admet donc que les Hindous (au sens large du mot) sont le produit du mélange en proportion diverse d’une race blanche et d’une race noire. Quelle est cette race noire ? Voilà maintenant notre problème.

On considère généralement que cette race est représentée par les Dravidiens actuels, c’est-à-dire par les Hindous qui parlent une langue dravidienne, et on en conclut que s’ils sont noirs, ils ne sont pas nègres, car ils ont les cheveux lisses ou simplement ondulés, et ils ont souvent le nez fin et droit. Sur ce dernier trait, les auteurs ne sont pas d’accord, et finalement, quelques anthropologistes ont trouvé nécessaire de diviser les Dravidiens en deux sous-races, l’une à nez fin, l’autre à nez camus.

Pourtant, un anthropologiste anglais qui a recueilli aux Indes un nombre énorme de mensurations, Risley, a établi depuis bien des années déjà que la forme du nez présente une gradation régulière dans l’ensemble de la population.

  1. Ceylan, plus au sud encore que la pointe de l’Inde, est aryanisée, mais les légendes nous apprennent que les Aryas y sont venus, de loin, par mer ; et nous savons, en effet, d’une façon générale, que les migrations vont plus vite et plus loin par mer que par terre.