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Socialement, cette population est divisée en castes, c’est-à-dire en classes basées sur la naissance et entre lesquelles le mariage n’est pas permis. Quelques-unes de ces castes sont célèbres en Europe, sans y être d’ailleurs toujours bien comprises. Par exemple, la caste des Brahmanes, de laquelle sortent les prêtres des grands temples, caste qui jouit du plus haut degré de respectabilité sociale ; et la caste des Parias, qui est au contraire l’objet du mépris universel ; ses membres sont voués aux besognes pénibles et rebutantes ; on leur dénie presque la qualité d’hommes.

Entre les deux, il existe un très grand nombre de castes dont la différence est professionnelle, religieuse, philologique, topographique, etc. Mais quelle que soit l’origine de la différence, et que ces castes habitent, sans se mêler, aux mêmes endroits, ou qu’elles habitent des territoires voisins, elles sont soumises entre elles à un ordre de préséance formel ; un homme d’une caste donnée sait toujours clairement quelles sont les castes qui lui sont supérieures ; Aryens et Dravidiens sont compris dans la même hiérarchie.

Eh bien, si on établit avec un nombre de sujets suffisants, la forme moyenne du nez dans les castes[1], et qu’on range les castes d’après cette forme, les nez les plus fins en hauteur de l’échelle, les nez les plus camus en bas, l’ordre ainsi établi correspond, sauf de faibles écarts, à l’ordre de préséance sociale.

Dans la région où il y a des Parias, ce sont eux qui possèdent en moyenne le nez le plus large.

Cette loi, établie par Risley dans le Centre et l’Est de l’Inde, où Aryens et Dravidiens s’entremêlent, se vérifie parfaitement dans le Sud, au sein d’une masse compacte de Dravidiens. Ces Dravidiens sont donc eux-mêmes une race mixte, de même que la population de l’Inde dans son ensemble. Ils ont une plus forte proportion de sang noir que les Aryens, mais ils ne sont pas la race noire primitive. La constatation ainsi faite sur la variation de la forme du nez avec la position sociale ne peut s’expliquer que si la race noire soumise par les conquérants caucasiques avait originellement le nez tout à fait camus.

C’est donc un trait nègre que nous retrouvons avec la couleur foncée de la peau ; mais l’ancêtre qui possédait ce trait avait-il aussi l’autre caractère nègre essentiel, le cheveu crépu ?

Dans les montagnes des Nilghirris et d’Anémalé, les seules vraies montagnes de la péninsule, situées au cœur de la contrée dravidienne, on a signalé depuis longtemps des petits sauvages crépus, qu’on a même pensé pouvoir, sur des documents insuffisants, identifier avec les Negritos.

  1. La forme du nez, prise dans un certain sens, s’exprime par un chiffre, qui est l’indice nasal. C’est le rapport de la largeur à la hauteur. Quand le nez est très camus, la largeur est à peu près égale à la hauteur, le rapport est égal à 100 centièmes. Quand le nez est très fin, la largeur n’est que la moitié de la hauteur ; le rapport ou indice, égale 50 centièmes.