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Page:Lapicque - Les Nègres d’Asie et la race nègre en général, paru dans les Bulletins et Mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris, 1906.djvu/6

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les métis la ressemblance prédominante d’un des types, toutes choses qui n’ont pas de rapport avec la supériorité sociale. De sorte que le nom qui subsistera s’appliquera généralement à un type anthropologique différent de celui qu’il désignait à l’origine, parfois à un type très voisin de celui des peuples qui est, en apparence anéanti.

Pour les Malgaches, on ne pouvait s’y tromper. Les plus noirs des Sakalaves ou des Betsimisarakes, encore mieux les Baras ont beau parler uniformément une langue malayenne, on ne peut les confondre avec les Hovas, qui se distinguent nettement par leur type physique et leur situation tant géographique que sociale. On voit tout de suite qu’il y a là deux éléments essentiellement distincts. Mais c’est que les Hovas sont venus à une époque relativement récente et pourtant déjà la plupart d’entre eux sont fortement négritisés, même parmi les plus nobles. Ce que nous voyons maintenant, c’est la fusion en train de se faire, et on peut se représenter ce qu’elle donnerait dans peu de siècles, livrée à elle-même : une population négro-mongolique, à caractère africain prédominant, avec une langue et certaines coutumes malaises.

Les anthropologistes me paraissent avoir tenu un compte insuffisant du phénomène capital mis en relief, pourtant, déjà par les poètes grecs Aphrodite se plaisant à mêler la race des dieux et celle des bergers. Ils cherchent à définir un certain nombre de types humains, et paraissent considérer ces types comme autonomes ; on ne voit dans leurs classifications les races mixtes que comme des cas particuliers peu importants. Je pense, au contraire, que c’est le cas le plus général.

L’Afrique nous en présente un exemple qui me paraît aussi net que méconnu, et qui offre un intérêt spécial pour notre sujet.

À l’angle oriental de ce continent, le groupe ethnique formé des Abyssins ou Éthiopiens, des Danakil et des Somali, est généralement considéré comme constituant une race distincte. Sous le nom équivoque de Hamites, on les sépare formellement des nègres leurs voisins du sud et de l’ouest. Ils sont pourtant noirs, ils ont les cheveux si frisés qu’on pourrait les dire crépus, mais ils ont des visages moins camus. Ces visages, en réalité, si on considère une série suffisante d’individus parcourent toute la gamme qui va du vrai Nègre au pur Sémite dont la patrie est toute voisine à l’est ; la plupart des Éthiopiens se tiennent vers le milieu de cette gamme, à mi-distance du Nègre et du Sémite. C’est là un exemple de ces transitions qui s’observent à peu près constamment lorsqu’on examine les hommes suivant leur répartition topographique. Entre deux types tels que le Nègre et l’Arabe, si nettement tranchés à l’état pur, s’intercale géographiquement une population à caractères mixtes.

Comment y aurait-il lieu d’admettre une race distincte pour ces intermédiaires ? Il faut supposer ou bien évolution d’un type extrême à l’autre extrême en passant par ceux-là, ou bien un mélange des deux types extrêmes qui sont venus en contact à une époque ancienne[1]. Pour le cas

  1. Je ne dis pas que ces types extrêmes sont les seuls éléments du mélange.