Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 7.djvu/29

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des probabilités semblables relatives à toutes les causes. Si ces diverses causes, considérées a priori, sont inégalement probables, il faut, au lieu de la probabilité de l’événement, résultante de chaque cause, employer le produit de cette probabilité par celle de la cause elle-même. C’est le principe fondamental de cette branche de l’Analyse des hasards qui consiste à remonter des événements aux causes.

Ce principe donne la raison pour laquelle on attribue les événements réguliers à une cause particulière. Quelques philosophes ont pensé que ces événements sont moins possibles que les autres, et qu’au jeu de croix ou pile, par exemple, la combinaison dans laquelle croix arrive vingt fois de suite est moins facile à la nature que celles où croix et pile sont entremêlés d’une façon irrégulière. Mais cette opinion suppose que les événements passés influent sur la possibilité des événements futurs, ce qui n’est point admissible. Les combinaisons régulières n’arrivent plus rarement que parce qu’elles sont moins nombreuses. Si nous recherchons une cause là où nous apercevons de la symétrie, ce n’est pas que nous regardions un événement symétrique comme moins possible que les autres ; mais, cet événement devant être l’effet d’une cause régulière ou celui du hasard, la première de ces suppositions est plus probable que la seconde. Nous voyons sur une table des caractères d’imprimerie, disposés dans cet ordre, Constantinople, et nous jugeons que cet arrangement n’est pas l’effet du hasard, non parce qu’il est moins possible que les autres, puisque si ce mot n’était employé dans aucune langue, nous ne lui soupçonnerions point de cause particulière ; mais, ce mot étant en usage parmi nous, il est incomparablement plus probable qu’une personne aura disposé ainsi les caractères précédents qu’il ne l’est que cet arrangement est dû au hasard.

C’est ici le lieu de définir le mot extraordinaire. Nous rangeons, par la pensée, tous les événements possibles en diverses classes, et nous regardons comme extraordinaires ceux des classes qui en comprennent un très petit nombre. Ainsi, au jeu de croix ou pile, l’arrivée de croix cent fois de suite nous paraît extraordinaire, parce que le nombre