Page:Lapointe - Une voix d’en bas - Échos de la rue, 1886.djvu/139

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Plus loin d’épais bouviers pourchassent devant eux
On troupeau harassé de vaches et de bœufs.
César s’irrite, court, revient, attend un ordre,
Part et va rallier le bétail en désordre
Que la terreur égare à travers les trottoirs.
César aboie ou pousse aux larges abattoirs
Le troupeau roux qui beugle, écartant la narine,
Comme aspirant la mort au fond de sa poitrine.

Labourant le chemin dans son sourd grognement,
Un immonde troupeau descend également,
Se vautre et plonge à fond son grouin dans la fange,
Afin d’y rencontrer l’immondice qu’il mange.

Puis encor des brebis, veuves de leur toison,
Pour la faim n’ayant pas le plus chétif gazon,.
Sous le fouet, sous la dent, se pressent effarées,
Attristant de leurs pleurs nos routes encombrées.

La charrette, à travers les sentiers latéraux,
Traînant pour l’égorgeur de misérables veaux,
Les cahote aux rebords des parois fléchissantes,
Les quatre pieds liés et les têtes pendantes.

Et bœufs, brebis, porcs, veaux, bêlant, grognant, beuglant
S’en vont, las et poudreux, au rendez-vous sanglant
Où la mort, les bras nus, dégoûtante étalière,
En rouge tablier, sur son grand seuil de pierre,
Les reçoit et leur montre, avec des brouhahas,
Son arsenal : merlins, cordes, crocs, coutelas ;
Ses dogues dans la cour, qui pesamment se meuvent,
Ou, repus du festin, à sa source s’abreuvent ;
Ou dorment au soleil ; ou gardiens frauduleux,
Promenant un regard oblique et cauteleux,