Page:Laporte - Émile Zola, 1894.djvu/172

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Dans l’ordre social, l’action du naturalisme entraîne des conséquences tout aussi dangereuses. Il ressort de l’examen du monde littéraire et du monde social un parallélisme assez curieux : le naturalisme dans l’ordre littéraire ressemble au règne du fait et à la souveraineté de la force dans le monde social. Le fait accompli, accepté comme légitime, le fait brut, accepté comme le droit, est-ce autre chose que le naturalisme dans la société ? Dans l’ordre social, il y a aussi le réel et l’idéal ; le réel c’est le fait, l’idéal c’est le droit ; le réel c’est ce qui est, l’idéal c’est ce qui doit être ; le réel, le réel seul, c’est le règne exclusif de la force ; l’idéal c’est le règne supérieur de la justice ; et l’harmonie de l’un et de l’autre, de la justice dirigeant la force et de la force mise au service de la justice, c’est la beauté sociale à la plus haute puissance. Supprimez l’idéal, il ne reste que le fait, le fait qui s’impose d’une manière inflexible. Le fait et la force régnant seuls dans la société, c’est le despotisme ou l’anarchisme : le réel et la nature, c’est-à-dire la force et le fait régnant dans l’art, c’est le réalisme ou le naturalisme. Le retour vers le réel dans la nature ramène, en politique, l’homme au fait brutal, à la force aveugle, c’est-à-dire à la barbarie plus ou moins civilisée, et en littérature à la reproduction ou à l’imitation du document humain vu, jugé et analysé dans ses laideurs.