Page:Laporte - Émile Zola, 1894.djvu/174

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les curiosités malsaines et à tous les appétits répugnants. La littérature naturaliste me fait l’effet d’une prostituée qui, drapée de soies luxueuses traînées dans la boue des ruisseaux, étale effrontément, dans un argot emphatique, ses réalités sexuelles et ses brutalités naturalistes.

Pour qui ces livres qui prétendent être le premier mot artiste de la littérature et le dernier mot de la science ? Est-ce pour des êtres qui n’ont que des sens ou pour des êtres qui ont une âme ? Est-ce pour des animaux qui ne savent que sentir ou bien pour des hommes qui savent penser ? Demandez au Zola pauvre ce qu’il penserait du Zola riche ; au Zola de Pot-Bouille ce qu’il pense du Zola des Premiers contes à Ninon. Toute la question naturaliste est là.

Une lettre de Sully-Prudhomme, dans le supplément de l’Écho de Paris, 8 mars 1893, me permettra de donner à ces réflexions une conclusion plus autorisée que la mienne : « Le romancier a-t-il le droit de tout dire au nom de l’art ? La dissection publique des mœurs est-elle, par son objet, comme un cours d’anatomie et au même titre nécessairement chaste ?… La curiosité des lecteurs de romans n’est pas de même espèce que celle des étudiants en médecine ou des savants ; elle est évidemment loin d’être tout intellectuelle. Quand un romancier dépeint une chose quelconque, morale ou physique, il