Page:Laporte - Émile Zola, 1894.djvu/238

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guère malin, car vous vous donnez tort » (p. 320). Oui, vous vous donnez tort, car, malgré votre immense succès, vous semblez peu satisfait de l’opinion de vos contemporains et vous semblez compter sur la mort, c’est-à-dire sur la postérité impartiale, pour vous donner raison. Aurez-vous plus raison mort que vivant ? nous allons voir. Votre œuvre, empilée volume sur volume, comme l’immense piédestal de votre statue, a été suffisamment vendue, lue et critiquée, pour autoriser la critique à établir, sur documents certains, un diagnostic sérieux. Dès aujourd’hui, elle peut se prononcer sur votre cas littéraire et prédire ce qu’il en adviendra. Elle a plus qu’il ne faut de matière pour constituer des probabilités de vie ou des certitudes de mort.

Toute mauvaise odeur et toute fâcheuse couleur sont signe de décomposition, et de décomposition qui donne tort à la vie et raison à la mort. Tout cela ne tue pas tout de suite ; on peut même devenir vieux, fort vieux, mais on finit par mourir, et mort, on sent alors bien plus qu’on ne sentait vivant. Vos livres, moralement, littérairement, linguistiquement, ne sentent pas bon. C’est, sous le prétexte d’écriture artiste, d’étude du document humain, avec l’étiquette de naturalisme, ou une spéculation immorale ou le microbe moderne d’une maladie littéraire, qu’on peut nommer lèse-pudeur. Non seulement vous