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Page:Laporte - Émile Zola, 1894.djvu/308

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être naturaliste, qui, tout à coup, surgira du procès.

La Cour entre, le jury est à sa place, l’accusé est introduit. Il est moyen, pâle, de cette matité chaude et volcanique du Midi ; son torse est vigoureux, nerveux et râblé ; sa barbe naissante et noire corrige, par une certaine timidité pubère, la dureté métallique du regard ; son nez droit et ferme accentue la volonté énergique de la figure ; son front, aux arêtes bombées, indique l’intelligence, mais une passion absolue, presque fatale ; sa lèvre ironique et froide doit formuler la science du néant, le théorème ataviste de la jouissance matérielle, le système du naturalisme dans ses fatalités les plus cruelles, mais elle ne sourira jamais à la certitude de l’au delà, aux sacrifices de la vertu, aux dévouements du devoir et aux rêves de l’idéal humain et divin. On devine que cet adolescent, fait homme par le crime, se courbe, vaincu, devant une loi sociale qu’il ne peut briser, mais qu’il se dresse, méprisant et révolté, devant une loi divine qu’a rayée le Roman expérimental.

Le Président. — Accusé, levez-vous ; votre nom, votre âge, votre profession, votre lieu de naissance ?

L’Accusé. — Émile Rougon, vingt ans, étudiant en médecine, né à Plassans.

Le Président. — Comment avez-vous connu votre victime ?