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L’Accusé. — En allant dans la blanchisserie où elle était ouvrière.

Le Président. — Saviez-vous qu’elle était votre cousine ?

L’Accusé. — Je l’ignorais, son nom n’ayant jamais été prononcé devant moi ; mais s’il l’eût été, j’étais trop familier avec l’arbre généalogique de ma famille pour ne pas le savoir. Au reste, cela n’eût en rien changé mon amour. Je l’aimais parce qu’elle était femme ; dès la première fois où je l’ai vue, elle m’a pris le cœur tout entier, et non parce qu’elle était ma parente.

Le Président. — Regrettez-vous de l’avoir tuée ?

L’Accusé. — Je le regrette, parce que je l’aimais, parce qu’elle me manque ; mais si elle ne devait jamais m’aimer et me repousser toujours, je l’aime mieux morte que vivante ; elle est toujours mienne par le souvenir ; elle m’appartient même par mon crime.

Le Président. — Mais votre réponse est absolument cynique ; c’est la négation de toutes les lois divines, humaines et sociales ; vous rayez Dieu et vous ramenez l’homme aux instincts de la bête humaine !

L’Accusé. — Je ne suis pas si savant que vous le dites, Monsieur le Président. Si vous aviez lu l’histoire naturelle et sociale de ma famille, en vingt volumes, ou seulement : Le Docteur Pascal, mon père, ce livre der-