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miennes, je ne les partage pas ; mais je dois les expliquer, et je le ferai avec d’autant plus de liberté, qu’avant d’être criminel il a été victime. Oui, victime de doctrines matérialistes, ou naturalistes, si vous le préférez, qui devaient fatalement, nécessairement le conduire au crime ; il ne pouvait pas ne pas être meurtrier. Pour éclairer votre conscience de juges et fixer votre religion d’exécuteurs de la loi, vous avez dû étudier attentivement et scrupuleusement tous les documents de l’affaire, et j’appelle documents indispensables tous les livres qui contiennent l’histoire sociale et naturelle de la famille Rougon-Macquart, les ancêtres de mon client. Sans cette étude, la cause actuelle n’est plus qu’une cause banale de meurtre, comme celles qui, chaque jour, défilent devant vous. Ce n’est pas une histoire, cette série de livres naturalistes, c’est surtout une encyclopédie matérialiste de toutes les passions et de tous les vices ; tout y est ordurier, depuis le fait brutal, souvent bestial, jusqu’au langage qui est tout autant malpropre. L’écrivain touche à toutes les doctrines religieuses et scientifiques, à toutes les questions sociales et humaines, à toutes les classes de la société et à tous les phénomènes physiologiques et psychiques de l’homme, mais en les abaissant à une réalité idéalement laide et à une nature exceptionnellement naturaliste et fangeuse ; il met en mouvement, en fonctionnement,