Page:Laporte - Émile Zola, 1894.djvu/320

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des destinées et des devoirs de l’homme, vous lui dites, ou vous lui laissez dire : Tu es matière, c’est-à-dire passion, vice, faiblesse, crime même, et vous exigeriez qu’elle vous en fît le sacrifice, ou si elle vous refuse, vous la tuez ! Quel est le plus coupable, de toi, société, qui agis ainsi envers une de tes victimes, ou de cette victime qui a voulu jouir des passions qu’elle doit à ton enseignement ?

» Cette cause exigeait ces explications, m’imposait cette haute leçon de morale. J’eusse pu vous intéresser à la jeunesse de l’accusé, vous peindre la douleur de sa mère et vous prouver son irresponsabilité, par les funestes doctrines qu’on lui a enseignées et les déplorables exemples qu’on lui a donnés, mais je préfère vous disposer à une indulgente justice en vous rappelant quels sont vos vrais devoirs. Veillez sur les écoles, veillez sur les livres, remettez Dieu, cet indispensable pondérateur de toute civilisation, dans l’enseignement d’où vous l’avez chassé, apprenez à la conscience humaine à équilibrer ses actes sur cette base divine, et alors vous aurez droit de lui imposer des responsabilités et de lui en demander compte. Pour condamner un coupable, il faut être innocent ; or, qui a tué l’esprit n’a pas le droit de tuer le corps. Condamner Émile Rougon, la victime, c’est absoudre Zola, le coupable. Le poignard de l’étudiant n’a fait