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Page:Laporte - Émile Zola, 1894.djvu/43

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bronzes, etc., ouvrent une allée ici, peuplent une volière d’oiseaux et une niche de chiens et vous disent : voilà le cadre original où vit, pense, écrit… l’inventeur génial de la généalogie des Rougon-Macquart, le chef puissant de l’école naturaliste. Il a une barque verte, Nana, un bon gros terre-neuve, le superbe Bertrand et le minuscule Raton, un sacré petit rageur ; donc, il est un grand écrivain, le premier de notre temps. Très bien, mais que serait-il alors, s’il avait plusieurs superbes Bertrands et beaucoup de minuscules Ratons ; où serait-il, même un petit écrivain, s’il n’en possédait aucun ? Qu’était-il, quand crotté, maigre et efflanqué, comme certains congénères de ses heureux gardes du corps, il cherchait, dans Paris, du pain pour sa journée et un gîte pour sa nuit ? Avait-il des Alexis, des Céard, des Xau, pour admirer son génie ? Les amis sont ennemis du malheur, ils fuient la misère et ne cultivent que le succès. Tout homme à succès peut compter sur des féticheurs, d’autant plus nombreux, plus fidèles et plus zélés, qu’ils escomptent sa grandeur, son génie pour édifier leur fortune. Vingt romans, savamment épicés d’érotisme ou de naturalisme, si vous le préférez, ont valu à Zola une armée d’admirateurs ; un seul, honnêtement écrit, lui suscitera une armée de détracteurs et lui fermera la bourse des acheteurs : il est condamné au succès et aux bénéfices d’une curiosité malsaine.