Page:Laporte - Émile Zola, 1894.djvu/54

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ni même de sa première indigence : son indifférence pour l’infortune des autres prouve son mépris et sa révolte contre la sienne. Ce langage l’étonne peut-être ; qu’il ne s’en émeuve pas outre mesure et surtout qu’il ne l’entraîne pas à des conjectures absurdes : je ne suis ni prêtre, ni dévot, ni protestant, ni athée, ni darwiniste, ni socialiste, ni naturaliste, je suis un passionné du vrai par l’étude, du beau par l’admiration des belles et grandes choses, et du bien par un amour dévoué à mes semblables. J’admire et j’aime ceux qui partagent et qui pratiquent ces convictions, et je plains et je combats ceux qui ne les comprennent pas ou qui agissent contre elles. Que m’importent Zola et ses livres ? Si lui n’était pas responsable d’eux, et s’ils n’attaquaient la famille, la société, la nation et tous les peuples, dans leurs croyances métaphysiques, dans leur art littéraire, dans leurs aspirations sociologiques et dans l’austérité de leurs mœurs, est-ce que je m’occuperai d’eux ? Son œuvre parle trop haut et porte trop loin pour qu’on ait le droit de faire silence.

Ceux-là seuls qui échappent aux cruautés de la vie par le courage et le travail et qui rachètent leur droit au succès par la générosité, sont les vrais triomphateurs ; ils portent gravée sur leur front par la griffe du malheur l’empreinte rayonnante et sacrée du talent ou du génie. Je tenais à dire cela,