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Page:Laporte - Émile Zola, 1894.djvu/55

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d’abord pour justifier l’apparente sévérité de mes critiques, et, ensuite, parce que, n’entendant toujours que vanter son style, préconiser sa méthode d’observation et son système d’expérimentation évolutionniste sur les caractères et les milieux, et ne lisant que des descriptions pompeuses de ses demeures royales et de ses voyages de grand seigneur des lettres, j’eusse voulu au moins entendre une voix, lire une ligne, qui nous rappellent à tous deux qu’il a été pauvre.

L’esclave qui suivait le char du triomphateur romain qui avait sauvé la République lui criait de loin en loin, fouettant son orgueil : « Souviens-toi que tu dois mourir » ; moi je crie à ce nouveau triomphateur, moins le char, qui veut la République naturaliste : Souviens-toi que hier tu étais pauvre, et que demain, tu ne seras rien. Ce langage n’a rien d’exagéré sous ma plume, nos situations, toutes diverses qu’elles paraissent, se touchent néanmoins par certaines analogies.

À l’époque où Zola était paqueteur chez Hachette, libraire, 79, boulevard Saint-Germain, j’étais comptable chez Morel et Cie, libraires, 13, rue Bonaparte ; il enveloppait les livres, je les portais au journal ; il fut chef de publicité dans sa maison ; je fus chef de comptabilité dans la mienne ; aujourd’hui, il écrit des romans, moi je les critique ; il est arrivé à la célébrité, moi j’aide les autres à y arriver ; demain, il critiquera mes cri-