Aller au contenu

Page:Laporte - Émile Zola, 1894.djvu/94

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’esprit, et aussitôt un romancier s’empare de ce tâtonnement scientifique et l’applique, novateur de non-sens, à la physiologie et à la psychologie romancière : il fait de l’art littéraire une science littéraire ; ce qui n’était qu’une probabilité pour le savant devient une certitude pour le romancier ; il formule des lois où le savant ne bégaie que des hypothèses.

Philosophiquement, le naturalisme procède du matérialisme. Dans les beaux-arts et la littérature, l’imitation du réel chasse l’idéal ; la pratique supplée à l’inspiration. L’expression de l’âme et de la beauté morale est abandonnée pour le culte de la beauté physique et de la forme. L’extravagance et le gigantesque passent pour du sublime. Le laid et le difforme trouvent des amateurs et des partisans. La glorification de la matière, l’exaltation des penchants inférieurs de la nature humaine, la peinture des passions déréglées, deviennent le but de l’art, animent le pinceau des artistes, inspirent les poètes et enfièvrent la plume des romanciers. Les règles qui dirigent le génie jusque dans ses plus grandes hardiesses sont violées ou dédaignées. L’art ne s’étudie qu’à plaire aux sens, à les flatter et à les exciter ; en même temps qu’il étale effrontément le vice, il rend la vertu niaise et ridicule.

L’art n’est pas tenu de tendre toujours au perfectionnement moral de l’homme ; la seule