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Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Symphonies, 1878.djvu/74

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Pour en saisir la trace, oh ! pleure ; il est trop tard ;
Plus rien qui lui ressemble !
L’automne a sur tes yeux mis son premier brouillard ;
Voilà ta main qui tremble.

Ah ! vieillir, sentir poindre en son cœur la saison
Stérile et monotone ;
Voir déjà, quand l’été fut sans fleur ni moisson,
Neiger un froid automne !

Tu n’as pas de tes jours bu la douce liqueur,
Tu vas goûter la lie ;
Tu bois ce fond amer qui reste sur le cœur
Et jamais ne s’oublie.

Tu rêvas tout ! l’amoar, la vertu, le savoir,
Et l’épée et la lyre.
L’amour ! Etait-ce lui ?… Tu subis son pouvoir
Assez pour le maudire.

Il t’a brisé ! tu fuis ; ta stoïque raison
Le juge et le déteste ;
Il t’abreuva de fiel… et de son doux poison
L’ardente soif te reste.

Lui qui t’a si souvent baigné de pleurs amers,
Brûlé d’un flot de lave ;
Lui qui sur tes beaux jours a fait peser des fers
Et t’a vu son esclave,

Il te reste ignoré !… Tu t’en vas, désormais,
Enviant ceux qu’il trompe ;